Le papa d’Ernest lui a interdit de passer par le bord du fleuve pour rentrer à la maison après l’école. D’ailleurs, aucun enfant de sa classe n’ose y aller. Mais Ernest est bien décidé à emprunter ce raccourci qui lui fera gagner plusieurs minutes. Sous l’arche du pont, il ne trouve pas de monstres, juste des déchets et un visage emmitouflé, endormi. Une femme qui, il s’en rendra compte dès le lendemain, ressemble à une serpillère, est accompagnée d’un gros chien noir et crie après un être invisible. Une femme comme Ernest n’en a jamais vu. Mais le garçon n’a pas peur. En fait, il se dit juste qu’il pourrait sans doute l’aider.
Avec ce roman écrit à hauteur d’enfant, accessible dès 8 ans, Marie Colot parle des sans-abris que l’on croise parfois avec peur, sans aller plus loin que ce que l’on voit : des gens pauvres, tristes, étranges par momen. Et avec Ernest, elle amène le lecteur à aller voir plus loin que les apparences.
Il y a quelque chose de profondément humain dans ce récit où on suit Ernest qui est décontenancé par la femme du pont, mais qui n’a pas peur. Dès le départ, tout ce qu’il veut, c’est l’aider. D’abord un sirop (il pleut et elle tousse), puis avec des tartines et un carton (parce qu’Ernest adore faire des constructions en carton et qu’il trouve que la pluie a abimé celui de la femme), puis encore avec la totalité de sa tirelire et cette idée, brillante, qu’il a avec son amie Madeline.
Au fil du récit, Ernest se pose des questions que se poseraient tous les enfants de son âge : pourquoi des gens vivent-ils dans la rue ? Pourquoi ceux qui en ont les moyens ne font rien pour eux ? « On ne peut pas s’occuper de toute la misère du monde », lui rétorque son père. Mais Ernest se dit « qu’une personne, ce n’est pas la terre entière ». Et en suivant son récit, en faisant, comme lui, davantage connaissance avec cette femme abimée par la vie (mais passionnée d’origami), on chemine aussi dans notre tête. Jusqu’à cette chouette finale, tout à fait cohérente avec le reste de l’histoire, toujours à hauteur d’enfant.
À noter : mes deux jeunes testeuses n’ont pas été attirées au départ par les illustrations, mais celles-ci sont parfaites pour le texte. Elles ne sont peut-être pas « à la mode », peut-être pas aussi attirantes que celles, bien nettes, d’une bande dessinée, mais elles sont vivantes et colorées : il faut juste prendre le temps de les apprivoiser.
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