La journée avait pourtant commencé tout à fait normalement pour Graham. Il s’amusait tranquillement dans le champ de potirons derrière la maison quand soudain la voix de sa mère résonna : il devait aller chercher du pain. Immédiatement. Heureux de se voir confier une si agréable et gourmande mission, Graham se mit aussitôt en marche vers la boulangerie. Or, quelle ne fut pas sa surprise, une fois en ville, de se frapper le nez à une porte fermée. «Catastrophe!», pensa Graham. Sachant sa mère fort déterminée à le voir obéir coute que coute, il se dirigea bravement vers une autre boulangerie… à trente minutes en bateau. Malheureusement, chemin faisant, le vent tourna subitement, faisant basculer à la fois la voile, et son espoir de trouver du pain rapidement. Bravement, Graham s’acharna, allant d’obstacle saugrenu en imprévu ébouriffant, mais déviant chaque fois un peu plus de sa route. Sa mission-boulangerie prenait définitivement des allures de voyage périlleux. Parviendrait-t-il à rapporter un délicieux pain à la maison?
Quête abracadabrante déguisée adroitement en «banale» requête du quotidien, cet album valse astucieusement entre le possible et l’improbable. Proposant une trame aux nombreux rebondissements et au rythme haletant, il saura susciter l’intérêt chez un jeune lectorat à l’imaginaire bien dégourdi.
S’annonçant de prime abord plutôt ronronnant de quotidien, cet album fait bien vite voir de quel (merveilleux!) bois il se chauffe : du terre-à-terre, on bascule sans crier gare vers l’extraordinaire, en quelques pages. Portée par une structure répétitive contribuant à construire un sentiment d’expectative, la trame narrative fourmille d’inattendu et d’inimaginable. Frappé de plein fouet par un imaginaire luxuriant, le lecteur ne peut qu’être fasciné par les mésaventures du personnage principal, et trépigner d’impatience pour connaitre la suite.
Au-delà de l’aventure virevoltante que propose cet album, on y aborde aussi le rapport au temps et à la réalité, à hauteur d’enfance. En effet, si, de par l’ampleur du périple conté, l’action semble se dérouler sur une longue période de temps pouvant aller jusqu’à des semaines, on constate à la toute fin que pour le jeune personnage principal, il n’en est rien : l’ensemble de son épopée se vit, pour lui, dans un souffle, évoquant une seule et même (riche!) journée. De même, l’acceptation inconditionnelle de la part d’improbable caractérisant la majorité des revirements de situation jonchant le parcours de Graham semble aller de soi autant pour le jeune personnage principal que pour la figure de l’adulte (la mère) qui, à la toute fin, ne remettra rien de ce que narra son fils en question. Comme quoi, lorsqu’il est temps d’affronter le quotidien, à imagination vaillante, rien d’impossible!
Au final, que ce soit pour découvrir les bases de la structure narrative efficace, pour oser voir le réel d’un autre oeil, ou pour rigoler un bon coup, cet album sait faire un pied-de-nez au conventionnel.
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