Edée ne cesse d’embêter Nanoch parce qu’il est gitan. Elle rit de lui parce qu’il utilise un sac de plastique comme cartable, lui dit qu’il sent le « pipi de chat » et ne rate pas une occasion de souligner sa pauvreté. Elle aussi est différente, mais elle se sert de ses origines africaines pour se vanter, allant même jusqu’à dire qu’elle a déjà été mordue par un python sans avoir peur. Nanoch est sûr qu’elle ment, mais il n’arrive pas à répliquer en utilisant les nombreux surnoms qu’il lui a trouvés dans sa tête. Sa Nonna lui a bien appris qu’il vaut mieux répondre à la méchanceté par le silence, mais Nanoch n’en peut plus d’être rejeté par la faute de la fillette et il met au point un plan parfait pour se venger. Empruntant le coffre à bijoux de sa mère, il file dans la décharge pour trouver le « trésor » qu’il veut offrir à Edée, question qu’elle cesse enfin de rire de lui. Et son astuce fonctionne… peut-être trop bien. Et si Edée n’était pas si différente de lui, finalement ?
Marie Colot parle de différence, mais aussi d’intimidation avec ce court roman qui vise les lecteurs de huit ans et plus et est joliment illustré par Julie Stabosveski.
Le début est percutant, les deux personnages principaux ne sont pas tendres l’un avec l’autre et toute la rancœur de Nanoch se ressent dans ses descriptions de son ennemie : « la peau aussi noire que le cœur » et les bras « tout couverts de croutes pareilles à des écailles de boa », par exemple. Si c’est limite un peu choquant (mais promenez-vous dans les cours de récréation et vous entendrez bien pire), on est dans quelque chose de très authentique et cela place la table pour le reste de l’histoire. Parce qu’on rencontre deux personnages typés, mais on ne tombe pas dans les stéréotypes, on va beaucoup plus loin.
En fait, Marie Colot fait preuve d'une grande délicatesse dans la présentation de l’univers de Nanoch. On comprend à de nombreux détails qu’il vit dans la pauvreté (l’absence de cartable, les boites de métal qui servent de jouet à sa petite sœur, etc.), mais on sent aussi qu’il est entouré d’une famille aimante et que les gestes qu’il pose (que ce soit « l’emprunt » de la boite à bijoux ou le « cadeau » à Edée) lui posent problème. À ce sujet, l’utilisation du personnage de la Nonna, tout droit venue de l’esprit de Nanoch, est aussi intéressante parce qu’elle le fait douter de ses gestes et permet aux lecteurs de mettre en perspective les actions du garçon. D’ailleurs, les représentations de la grand-mère, en deux teintes pour contraster avec les couleurs vives du reste des personnages, sont les plus sympathiques même si l’ensemble est réussi, les illustrations venant ponctuer le récit juste aux bons endroits et mettre l’accent sur l’expressivité, notamment de Nanoch et d’Edée.
En bref? Langue de vipère est un récit qui suscite la conversation, à propos de la différence, de la pauvreté, mais aussi des qualités du cœur que chacun possède… parfois il faut juste savoir s’ouvrir à l’autre pour les découvrir!
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