Il y a d’abord la princesse en colère qui n’en peut plus de n’avoir que des rôles fades et passifs à se mettre sous la dent et qui confronte directement les écrivains des contes traditionnels, Grimm et Perreault, pour qu’ils osent écrire autre chose.
Puis la deuxième histoire nous entraine dans une sorte de zoo où sont conservées les princesses d’autrefois à l’abri du monde actuel. Mais l’héroïne du récit, élève en visite, est bien décidée à utiliser les moyens technologiques dont elle dispose pour sauver les prisonnières !
On rencontre ensuite Ari, une princesse qui nait en ne correspondant pas du tout aux critères de beauté de son royaume, si bien qu’elle est condamnée à l’oubli dans une tour. Mais c’est bien mal la connaitre… Elle se sauve et en profite pour sauver un peuple d’une terrible tradition.
Le récit de Clémentine Beauvais, écrit en vers libres, parle aussi de standard de beauté, mais cette fois c’est un bébé singe que la reine met au monde plutôt qu’une princesse… ce qui cause bien des ennuis ! Heureusement, la sagefemme est douée en couture et parvient à camoufler la guenon sous une peau humaine. Mais en grandissant, la princesse se sent à l’étroit…
On bifurque ensuite dans un monde terrible où la sècheresse a fait des ravages et sa « princesse » (avec quelques clins d’œil à Cendrillon) est une fille qui luttera contre le tyran pour libérer l’eau.
Et on termine en force avec l’histoire de Sandrine Beau, Tapisserie, jarres dodus et dragon rugissant, où l’héroïne se questionne sur les raisons qui font qu’une princesse doit avoir une certaine taille, conserver ses jambes sans poils et éviter de hausser le ton. Avec sa licorne péteuse et son sens de l’aventure, cette princesse clôt le recueil avec un solide coup dans les dents à tous ces bienpensants.
Écrites par six autrices différentes (mais toutes illustrées en noir et blanc par la talentueuse Kim Consigny), ces histoires varient en ton, en genre et en niveau de vocabulaire. Si l’éditeur dit qu’il vise les lecteurs de huit ans et plus, certaines histoires sont plus corsées que d’autres.
Ce recueil est très intéressant à plusieurs points de vue. D’abord, il propose des textes forts, signés par des autrices chevronnées qui ont chacune un style différent, mais qui se rejoignent dans leur amour des personnages féminins nuancés, crédibles, inspirants. Ensuite, il reprend le personnage type de la princesse pour jouer avec tous les codes des contes traditionnels et proposer à ses lecteurs de nouvelles versions, avec des réflexions sur la capacité de réflexion des filles, sur leur rapport à la beauté. sur la place des traditions, sur l’entraide aussi.
Les six récits ne sont pas égaux, tant dans le ton que dans le style, dans le niveau de difficulté que dans la fluidité, mais l’ensemble est de qualité. Pour ma part, j’ai eu une préférence pour l’histoire sombre et mordante de Clémentine Beauvais et son antipode, la colorée finale offerte par Sandrine Beau. Deux textes tellement différents, mais qui restent longtemps en tête… tout comme celui d’Alice Brière-Haquet, #Charming, et son utilisation des réseaux sociaux dans un univers inventé pour le moins inusité, avec ses princesses traditionnelles prisonnières et offertes aux regards des visiteurs. Troublant!
Bref? Ce n’est pas un livre facile d’accès et il s’adresse à des lecteurs chevronnés, tant plus jeunes que plus vieux, mais il offre matière à réflexion en plus de faire découvrir la plume de six autrices importantes ainsi que l’illustratrice Kim Consigny, qui parvient à accompagner chacun des univers avec brio.
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