Catherine est une poule bien spéciale. Déjà, c’est elle qui a choisi de s’appeler Catherine, parce que dans son poulailler, il y a trop de poules pour qu’elles aient toutes un nom. Et Catherine est aussi une acheteuse compulsive. Dès qu’un objet attise sa convoitise, elle doit l’acheter. Robes, pneus d’hiver, bols à punch, rien n’est à l’abri de ses envies. Et Catherine vit très bien avec ça, surtout qu’elle ne paie qu’à crédit. Ce qui n’est pas le cas de Jean-Claude, le coq du poulailler, ni des autres poules, d’ailleurs. Au moment de passer à l’abattoir (parce qu’elle est une poule destinée à la consommation, c’est comme ça), elle a une dernière chance de se repentir. Mais est-ce qu’elle a des regrets? Peut-être, mais ce ne sont pas ceux que vous croyez!
Dès le départ, il y a ce titre, d’une brutalité impossible à éviter. C’est dit, la poule mourra à la fin, on ne peut pas faire autrement. Et puis, les illustrations de Valérie Boivin, d’une légèreté insouciante, à l’image de Catherine. Parce que oui, il y a aussi ce personnage de poule acheteuse compulsive qui assume son vice jusqu’à la dernière page.
On est ici dans l’humour noir, grinçant à souhait, ce qui est très rare dans l’album au Québec. Et oh que ça fait du bien! Pas de concessions ni de repentir final pour Catherine la poule, pas de morale au sujet de la consommation et du crédit de la part de l’auteur. Seulement une histoire réjouissante et punchée, qui provoque malaises et éclats de rires sans gêne aucune.
Comme si ce n’était pas suffisant, Valérie Boivin en rajoute une couche en donnant des traits expressifs et exagérés à tout le poulailler. Sa Catherine qui profite de la vie est craquante au possible, alors que les autres volailles semblent elles aussi dotées d’une personnalité unique à chacune. Jean-Claude aussi a un caractère, de cochon, oserions-nous blaguer, du haut de ses ergots et la crête qui frémit d’indignation devant le comportement faussement frivole de Catherine.
Parce qu’il est là aussi, le plaisir (jamais coupable) de cet album : dans cette attitude assumée de la part de Catherine, qui traite le coq d’imbécile et qui se moque de ses créanciers, assez bêtes pour donner des cartes de crédit à une poule. François Blais pose un regard sans complaisance sur une société où on met constamment en garde contre le surendettement, mais où il n’a jamais été aussi facile d’acheter à crédit, et ce, dès l’adolescence.
Bravo donc au duo Blais et Boivin de nous proposer une fable bien d’actualité et bravo également aux éditions Les 400 coups de ne pas avoir eu peur d’aller de l’avant avec ce projet. Si jamais des cours d’économie devaient être remis au programme scolaire (même s’ils le sont au secondaire), Le livre où la poule meurt à la fin devrait être l’un des ouvrages obligatoires à l’étude!
Sophielit est partenaire des Librairies indépendantes du Québec (LIQ). Cliquez ici pour plus d'informations sur ce partenariat.
Nouveau commentaire